Ces trois peintures de l’artiste Daniel Walbidi viennent de me quitter quelques mois pour une exposition au Musée Aborigène de la ville d’Utrecht en Hollande, le AAMU.

Un sentiment étrange m’habite. D’un côté l’enthousiasme. Ce prêt contribue à présenter ce jeune artiste pour la première fois en Europe, dans finalement le seul Musée Aborigène du continent. C’est une chance. Et une belle reconnaissance pour son formidable travail déjà présenté sur le blog, ou encore sur le site “Aboriginal Art & Culture: an American eye” de Will Owen.

Pour cette exposition, l’AAMU conjugue à nouveau de façon fertile l’art aborigène aux autres arts contemporains Australiens. Cette approche habile du directeur du Musée et du conservateur Georges Petitjean, m’avait au départ un peu décontenancé. J’allais au Musée découvrir l’art aborigène et non pas des oeuvres d’artistes occidentaux. Puis au fil des visites, des discussions, je me suis laissé séduire par ce mariage improbable.

D’une salle à l’autre, ces oeuvres au préalable si distinctes, invitent finalement au dialogue des cultures. Elles établissent des passerelles entre des mondes finalement assez proches en terme de création. Il y a presque de l’affection dans cet art contemporain plus proche de nous, qui tend la main à l’art aborigène, l’accueille, reconnaît dans son univers le talent exceptionnel de ces artistes du bush.

Le musée mise sans doute sur notre capacité d’étonnement. Certains critiques d’art viendront pour les artistes occidentaux, ils repartiront surpris, bousculés, charmés par l’art aborigène. Et inversement.

Il y a également un message profond dans cette alliance entre les arts, souligné par le conservateur. La reconnaissance enfin, d’une place entière pour l’art aborigène au sein de l’art contemporain. Un art particulier dont quelques codes soulignés par Fred R. Myers* permettent d’appréhender des oeuvres marquantes :

* un caractère bi-culturel, avec une toile comportant à la fois une valeur spirituelle significative pour les aborigènes et un caractère esthétique particulièrement attractif pour les occidentaux.
* l’originalité ou le caractère innovant d’une création, valorisant le potentiel d’abstraction par exemple, dans une sorte de rupture néanmoins respectueuse de la tradition.
* la singularité amenée par un artiste, dont le style s’affirme avec vigueur et maturité et devient reconnaissable entre tous.

Quand je contemple ces toiles de Daniel Walbidi, je retrouve un peu tous ces mots clefs, auxquels s’ajoutent une fascination pour sa terre natale, sa volonté de porter un message à travers son art, d’en faire la voix de son peuple.

On peut d’ailleurs observer une évolution dans ces trois peintures réalisées vers 2007. La première de ce billet fut probablement peinte en dernier, après le périple de l’artiste sur la terre des anciens au coeur du désert. Il fut impressionné par le grand lac salé Percival, qui figure depuis, de façon marquante dans ses oeuvres.
Un reportage fut menée sur cette re-découverte de la terre et différents articles illustrèrent l’évènement dont celui fort intéressant du Sydney Morning Herald.

Aujourd’hui ces peintures ne sont plus là. Passé l’enthousiasme, un sentiment d’absence existe. Je comprends mieux le conseil du galeriste parisien Stéphane Jacob : quant à choisir une peinture, sélectionnez celle qui vous habitera, même quand vous ne l’avez pas en face de vous.

Vivement le vernissage et l’exposition le 23 avril à Utrecht que je puisse les revoir.
Et bonne chance au Musée pour la dernière ligne droite avant l’exposition !

(*) cf. l’ouvrage “Painting Culture, the making of an Aboriginal High art”, chez Duke University Press.